Ludovic Mercier : « Béziers reste un très bon souvenir »

06/01/2017

Ludovic Mercier sous les couleurs de Gloucester en Heineken Cup face à l’USAP / GettyImages

Fin des années 90, l’ASBH était encore à ses premiers balbutiements dans le monde professionnel du rugby. Une autre époque, un autre jeu. Philippe Gallart, Alain Carminati, Olivier Laffite, Christophe Vilaplana, Cédric Soulette tous ces noms qui ont foulé les pelouses avec la tunique Rouge et Bleu. Dans ce décor imposant le respect, Ludovic Mercier angoumoisin d’origine, qui débarqua sur les bords de l’Orb par la petite porte en 1997. Jeune espoir, caractéristiques peu communes à son poste, marge de progression évidente, le demi d’ouverture avait alors répondu favorablement aux avances de Richard Astre l’entraîneur biterrois de l’époque. Le charentais revient sur sa carrière très fournie, son passage à Béziers à géométrie variable, son ressenti sur l’évolution de notre noble sport tout en portant un regard bienveillant sur la rencontre de vendredi soir opposant les héraultais aux angoumoisins.

 

« L’ASBH SERA TOUJOURS UN CLUB HISTORIQUE »

La conversation à peine commencée, le débit et les souvenirs fusent. « Mon arrivée à Béziers était une étape importante. Le rugby était encore semi-pro, le club commençait à se structurer et Richard Astre m’a convaincu de venir. Entre le Bataillon de Joinville qui m’attirait par ses structures et sa réputation et des touches avec le Stade Français, j’avais pris la décision de venir à Béziers. Le club me permettait de grandir et de m’épanouir à l’époque et d’apprendre dès le début de ma carrière dans un club huppé. » Des prestations remarquées, parfois aussi des couacs, pas facile à ce jeune âge de prendre les responsabilités d’une formation entourée de grands noms. « Il y avait de grands joueurs. Ils m’ont beaucoup appris pendant mon séjour. De nombreux conseils qui m’ont suivi. J’ai des souvenirs d’entraînements intenses à la Méditerranée, des heures à parfaire les gammes et gommer les éventuelles erreurs de la veille. Je connaissais le terrain par cœur et notamment l’orientation du vent si déroutante dans ce stade. J’étais très focalisé sur certains détails, sur mon jeu d’attaque et mes attitudes. Je serai toujours reconnaissant envers Richard Astre pour cette période importante de ma vie. » Au fil des semaines, le charentais gagne en expérience, encaisse les coups aussi. « Le poste de demi d’ouverture est très exposé. La moindre erreur se paie cash et j’ai en mémoire le conseil des anciens, très exigeants mais tellement passionnés. » L’histoire se conclura néanmoins brutalement. « Le club avait décidé de se séparer de Richard Astre, Didier Camberabero était aussi de retour. Entre les difficultés sportives et les luttes intestines c’était le moment de partir ».

D’aventures réussies à destinations variées, Ludovic Mercier aura beaucoup voyagé. Principalement à Gloucester où il aura laissé de très bons souvenirs. « J’ai appris la rigueur et la discipline en Angleterre. J’ai gagné en maturité dans mon jeu et essayé de rendre au maximum la confiance que l’on m’avait accordé. » Aurillac, Grenoble, Pau en France, Padoue et la province d’Aironi par la suite en Italie, les voyages forment la jeunesse dit-on. Avec comme palmarès un championnat et une coupe anglaise, un championnat italien et des titres éloquents tels que meilleur réalisateur du championnat anglais et meilleur buteur de l’histoire (en cours) du challenge européen. Excusez du peu. Un CV bien fourni, une carrière riche en trophées. Alors vient la question douloureuse, celle qu’il faut pourtant poser quand on retrace un tel parcours. Aucune sélection au sein de l’Équipe de France ? Une explication ? « C’est du passé mais c’est tout de même un regret. J’ai eu des sélections avec les A’ qui reste l’anti-chambre de l’EDF. Malgré des discours positifs à mon endroit, des garçons comme Gérald Merceron ou François Gelez me sont passés devant. Pas de déception particulière j’ai tout donné pour y arriver un jour et je n’ai pas de rancune particulière » Chapitre clos, qui restera comme une page blanche sans suite. Une carrière sportive qui se termine du côté de Saint-Étienne en fédérale 1 en tant qu’entraîneur-joueur. Tout en rappelant qu’il aurait pu faire un dernier détour par Béziers fin 2008 alors à Padoue. « Les contacts avaient été établis, j’étais prêt à revenir mais les intentions n’ont pas abouties. » La boucle est bouclée, vient alors l’après-rugby. 

 

« LE RUGBY EST UNE REMISE EN QUESTION PERMANENTE »

Récent retraité d’ailleurs, c’est dans le management que Ludovic Mercier s’est engouffré. En tant que coach après le diplôme en poche. Principaux faits d’armes à Saint-Étienne, L’Aquilla en Italie, Angers et le Havre actuellement en fédérale 3, le club doyen du rugby français créé en 1872. Un relatif retour dans l’anonymat loin de le déranger au contraire. » Le HAC est un projet très intéressant, un stade Jules Deschaseaux emblématique, un millier de supporters fidèles. Tout est possible avec de l’envie et une volonté à toute épreuve. Je prends le temps d’apprécier le métier (40 ans seulement) et je m’enrichis tous les jours. » A l’écoute aussi de la moindre proposition venant d’étages supérieurs, il tire une conclusion honnête et concise du rugby professionnel. « C’est le rugby-business qui prédomine aujourd’hui. La course à l’armement au détriment de la formation des jeunes. Une ineptie quand on observe les résultats des Bleus. Malgré des résultats encourageants, les postes-clés sont plutôt dépourvus et nous le payons au prix fort. » Le jeu au pied, son domaine, si souvent décrié dans l’hexagone représente aussi ces carences récurrentes, un mal français ? « Beaucoup d’entraîneurs sont pourtant demandeurs. Dans les pays anglo-saxons c’est culturel, on fait du rugby dès le plus jeune âge. On manie l’ovale très vite et c’est considéré comme une éducation à part entière. Des progrès dans ce sens seraient à effectuer, c’est une question de priorité. » L’évolution du rugby, où le sport d’évitement qu’il affectionne s’est transformé en collision permanente.

Mais l’actualité c’est aussi ce Béziers / Soyaux/Angoulême capital pour les héraultais dans l’opération maintien. Une dégringolade surprenante pour l’ancien biterrois. « La situation s’est rapidement détériorée. L’année dernière c’était plaisant et on sentait un groupe qui allait dans le même sens. Et on se rend compte qu’il faut toujours se remettre en question. La chute a été vertigineuse et les coachs ont servi de fusible idéal malgré des responsabilités communes. David Aucagne et David Gérard sont arrivés, Je connais bien David Gérard notamment, c’est un très bon choix de par ses qualités et ses compétences qu’il mettra en oeuvre »  Et l’adversaire du jour qu’il connaît si bien. « Étant angoumoisin forcément. J’ai débuté dans ce club tout jeune. L’évolution est rapide malgré que je sois dérangé par l’appellation Soyaux/Angoulême qui met de côté Angoulême et les couleurs des maillots bleu et blanc à l’origine (actuellement violets) qui me chagrinent un peu ! Depuis le club a grandi, se structure et l’alchimie entre anciens et jeunes fonctionne à merveille. Pour un promu c’est une belle récompense pour le fidèle public de Chanzy. » Des charentais sans autre pression que de poursuivre l’embellie, d’autant plus dangereux qu’ils ont déjà réussi à s’exporter à l’extérieur à Bourgoin et à .. Biarritz dernièrement vainqueur à la Méditerranée. Une occasion pour les biterrois de conjurer le sort afin de démarrer l’année 2017 sous les meilleures auspices.

Propos recueillis par Rémy RUGIERO