Armand Vaquerin, l’Eternel

09/07/2023

30 ans après la tragique mort d’Armand Vaquerin, Rugbiterre revient sur la vie du plus grand pilier français, détenant toujours son record de dix Boucliers de Brennus ! 

Et d’un coup, tout parti. Trois Yves-Du-Manoir, cinq boucliers d’Automne, sept challenges Jules Cadenat. Mais surtout, dix boucliers de Brennus. Dix fois il l’a soulevé, ce « bout de bois ». Et dix fois pour une seule et même équipe : l’ A.S. Biterroise, le  ramenant à chaque fois sur les Allées Paul-Riquet, au balcon du théâtre. Et personne n’est en mesure, aujourd’hui, d’égaler ou de dépasser ce record. Au delà de ça, « Il laisse un club. Il avait sa passion pour l’ASB.  C’était une icône, une idole. Il est parti trop vite » témoigne Michel Fabre, ancien trois-quart aile de Béziers. 

 

Armand, le recordman.

« Celui là,surtout, il ne faut pas le perdre de vue. C’est de la graine d’international» dixit Raoul Barrière.  Il faut dire qu’à seulement 19 ans, Armand Vaquerin venait déjà concurrencer les Jean-Pierre Hortoland ou Jean-Louis Martin au poste de pilier du pack rouge et bleu. Précoce ? Non, Talentueux ! « Armand est rentré en équipe première en 1970-1971. Je crois que sa performance fût d’intégrer l’équipe première avec la concurrence, malgré son jeune âge » explique Richard Astre, ancien demi de mêlée de l’ASB.  Des prouesses tout au long de sa première saison qui vont lui permettre d’avoir la confiance du « Sorcier de Sauclières » jusqu’à prendre la place de Martin pour sa première finale. « Contre Toulon en 1971, il s’est retrouvé face à Gruarin, ce grand pilier de 33 ans et son adaptation a été très rapide ». Après les exploits de Séguier, le pied d’Astre, sous une pluie  battante au Parc Lescure, la légende Armand Vaquerin naissait.

Personne ne se doutait, à ce moment là, que les troupes de Raoul Barrière avec le jeune Vaquerin allaient rentrer dans la légende du championnat de France de rugby lors des saisons suivantes. Les saisons se suivent et se ressemblent (ou presque) pour un Béziers qui rafle tout : Après Toulon, ce sont Brive (par deux fois), Narbonne, Perpignan, Montferrand, Toulouse, Bagnères, Nice et Agen qui tomberont devant l’impitoyable machine Biterroise.  Pourtant, la « lassitude » ne s’installait pas.  Armand Vaquerin expliquait pourquoi: « J’essaie, pour me motiver, d’effacer le passé et de recommencer comme si c’était la première finale ». Une « première finale » qu’il joua onze fois (une seule défaite contre Agen, 13-10, en 1976) pour la remporter à dix reprises.

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Armand, l’international.

Raoul Barrière avait vu juste. Les performances du natif de Séverac-le-Château ne sont pas passées inaperçues auprès de Jean Desclaux. Après seulement une demi-saison avec l’équipe fanion,  le sélectionneur du XV de France le convoque pour une rencontre contre la Roumanie…à Sauclières ! C’était le 11 décembre 1971, un peu plus de deux mois avant ses vingts ans, il connu sa première Marseillaise dans son Temple. Mais ce fut le cas également pour Olivier Saisset et Richard Astre ce jour là. Ce dernier nous livre une autre spécificité du pilier rouge et bleu: « La particularité d’Armand, c’est d’avoir été international, sans avoir été international junior ! C’est très rare pour un pilier. C’est très étonnant. »

A partir de là, ce sont vingt-cinq nouvelles sélections qui vont s’enchaîner pour Vaquerin. Et porter le maillot frappé du coq avait une grande importance pour lui, récompensant ses performances tant en mêlée que dans le jeu. « Etre champion de France, c’est partager la même joie avec ses amis du club et de sa ville, tandis qu’être international, c’est une une grande joie personnelle. Pour moi, l’un vaut l’autre » disait-il. Avec les Bleus, il aura l’occasion d’affronter neufs équipes nationales : la Roumanie (trois fois), l’Australie (trois fois), l’Argentine (trois fois), l’Afrique du Sud (deux fois), les Etats-Unis (une fois), l’Ecosse (cinq fois), le Pays de Galles (trois fois), Angleterre (trois fois) et l’Irlande (trois fois). C’est contre le XV du trèfle qu’Armand Vaquerin conclut sa carrière internationale : Tournoi des cinq nations 1980, une victoire à l’arrachée 19-18, la seule de la compétition, le 1er mars. Une première page se tourna pour le pilier rouge et bleu.

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Armand, la sérénité.

Malgré quinze années au plus haut du rugby français, Armand Vaquerin n’a jamais été un leader. Derrière son mètre 83 et ses 100kg se cache une caractéristique que peu auraient imaginé : la discrétion. Michel Fabre raconte: « Armand, il n’a jamais rien dit. Il ne parlait pas. Il avait sa préparation. Lui, il rentrait il ne disait rien. Il arrivait 1h30 avant le coup d’envoi. Et puis, rien. Quand il se « réveillait », il n’apparaissait pas ». Et Astre de le décrire en quatre adjectifs: « Armand, il était discret, concentré, volontaire et déterminé. ». Discret dans les vestiaires, mais pas sur le terrain. Quoi que…« Armand, il était discret. Il faisait son match, il l’a toujours fait » continue l’ancien trois-quart.

Armand Vaquerin s’avérait  être un joker de luxe pour le paquet d’avants Biterrois, en cas de défaillance. « Si on avait un pilier qui souffrait, il était capable de changer : il jouait à gauche, à droite, il jouait partout. » poursuit Michel Fabre. « Il ne manquait pas de motivation », ainsi commente le recordman d’essais lors d’une rencontre « Et puis, la première mêlée, là, il prenait le pilier en face: coup de casque. Il n’avait pas besoin d’être motivé ». Il apportait un plus non négligeable à l’équipe : de la sérénité. Même s’il n’était pas seul comme le rapporte l’ancien numéro 9: « Il avait beaucoup de confiance en ses capacités physiques. Mais il y avait également beaucoup de joueurs à fort volume comme Saisset, Estève ou encore Buonomo ». Cette quiétude permettait aux plus jeunes de se libérer durant les matchs. « Quand tu l’avais dans l’équipe, tu savais qu’un jeune était sécurisé. On savait très bien que les petits il ne fallait pas les toucher » détaille l’ancien ailier. Avant de donner une anecdote sur son cas: « Je me rappelle d’un match en 1975 (Saison 1974-1975) contre Castres (Groupe A), match retour, j’étais junior. J’ai joué au centre cette fois là. On jouait devant 10 000 personnes, on avait perdu à Castres au match aller. Moi, quand je suis rentré, Armand il m’a dit « n’ai pas peur petit, on est là derrière, ne t’inquiète pas». Alors quand on allait au chocolat, on savait qu’on était protégé. »

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Michel Fabre, Armand Vaquerin, Claude Saurel, Pierre Lacans, Alain Paco

Armand, le grand frère.

Être recordman du nombre de championnats remportés avec dix boucliers de Brennus, ça force le respect, forcément ! « Il était aimé, respecté mais lui, il respectait tout le monde aussi » explique l’ancien ailier.  Mais loin d’Armand Vaquerin l’idée de vanter ses mérites. « Armand, il  ne s’est jamais vanté. Toujours humble. Jamais il a dit « moi j’ai fait ci, moi j’ai fait ça. » . Mais il ne fallait pas non plus tendre le bâton pour se faire battre. « S’il n’était pas respecté, il faisait du mal.  Il ne fallait pas s’y frotter » poursuit-il.

Armand Vaquerin, c’était l’exemple à suivre. Toujours à l’écoute et à donner de bons conseils aux plus jeunes. « Il a toujours été avec les jeunes, tous les jeunes passaient par lui. Il les a toujours aidés ». Michel Fabre sait de quoi il parle, étant arrivé à Béziers alors que le pilier Biterrois était en pleine gloire. Et il garde des souvenirs mémorables de ces années là: « Quand je suis arrivé à Béziers, c’était en 1975, j’étais encore Junior. J’étais à Pézenas, je prenais le car et le soir il n’y avait plus de cars pour me ramener. Alors je rentrais au Mondial et Armand me disait « Toi, s’il n’y a personne, je te ramènerais ». Et des fois, on faisait une petite boucle et il me ramenait que le lendemain, le samedi matin à Pézenas » . Au delà de la personne d’Armand, il se souvient de la famille Vaquerin: « Armand, c’était aussi la famille Vaquerin. Je couchais chez lui, son père, sa mère, son frère, c’était comme une seconde famille, il était généreux. C’était un frère. »

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Armand, les échecs.

Et Mr Lamoulie siffla les trois coups de sifflet finaux. Nous sommes à Perpignan, stade Gilbert Brutus. Le Stade Toulousain vient d’éliminer en quart de finale du championnat de France 1984-1985 l’AS Biterroise par 21-0. Ce que personne ne sait, à ce moment là, c’est que cette défaite marquera la fin du Grand Béziers et la fin de carrière d’Armand Vaquerin. S’en suit alors des créations de commerce : bar, tourisme au Mexique mais rien ne fonctionne véritablement. La légende Biterroise a du mal à se relever de la fin de sa carrière « On a connu tellement de plaisir, d’émotions, de satisfactions que quand tu arrêtes comme ça, quand tu vas être moins reconnu qu’avant, ça fait quelque chose. L’après-rugby a été difficile pour lui. » commente Michel Fabre. D’autant que son hygiène de vie n’a jamais été des meilleures.

Armand, le souvenir.

Vingt ans après son tragique décès, Armand Vaquerin reste vivement présent dans les mémoires Biterroises. Richard Astre retient sa longévité: « Je retiendrais de lui sa gentillesse, sa sérénité, son don de soi. Il vivait pour ses amis. Le paradoxe, c’est qu’il a commencé sa carrière très jeune et qu’il l’a finie très tard. Il a eu une belle longévité et donc son record, qui ne sera jamais égalé je pense. Tandis que moi, j’étais passé de cadets en équipe première et j’ai fini à 30 ans ». Michel Fabre conclut sur ses souvenirs et ce qu’aurait pu apporter Vaquerin au sein de l’ASBH: « Moi, j’ai joué pratiquement 10 ans avec lui. Tu perds quelqu’un avec qui on a eu beaucoup de plaisir, sur le terrain, dans la vie. On préfère garder les bons souvenirs. Armand, il a un record qui sera jamais dépassé ou égalé. Il aurait pu rester dans le club, former les piliers. Ça ne se faisait pas à l’époque: quand tu arrêtais, tu tombais aux oubliettes ». Mais certainement pas aux oubliettes des Biterrois et du rugby français. Et ce, jusqu’à ce que ce record tombe. S’il tombe un jour…

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 Maxime GIL